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Des élections douteuses

Entretien avec Margarita Zapata

Margarita Zapata, représentante du FSLN en Europe, vient de rentrer du Nicaragua et nous a donné l'opinion du Front.

Des bulletins de vote de la droite tombent directement de l'urne (où est inscrit « Seulement pour le PCN ») à la poubelle. (Dessin paru dans la presse nicaraguayenne).

Volcans : Pour l'ensemble des observateurs internationaux, malgré des retards à l'ouverture des bureaux de votes, ces élections ont été parfaites. Qu'en est-il en réalité ?

Margarita Zapata : Effectivement, tous les communiqués publiés par les observateurs internationaux ont fait part, le jour même des élections, des problèmes qui se sont posés lors de l'ouverture des bureaux : retards de plusieurs heures, et donc fermeture des bureaux concernés beaucoup plus tard que les autres, absence de matériel de vote, manque de bulletins, etc. Puis au cours des heures qui ont suivi, avec l'arrivée des premières estimations, tout a commencé à changer. On a parlé de « démonstration de civisme » du peuple nicaraguayen et les problèmes mentionnés sont devenus de petits incidents sans importance. En revanche, aucun observateur n'a signalé que le Nicaragua est un des rares pays où la hiérarchie catholique, en la personne de monseigneur Obando y Bravo, intervient directement dans les élections ! Alors que la campagne électorale était terminée, et que la période de silence (des partis) était respectée, le cardinal cita la parabole biblique de la vipère afin de dissuader les gens de voter pour Daniel Ortega. Quant au dépouillement et à la transmission des résultats...

Justement, le FSLN et certains petits partis parlent de fraude. S'agit-il simplement d'un artifice pour mobiliser les militants et l'électora, ou y a-t-il des preuves ?

M. Z. : Les preuves ont été vues par tout le monde, par les journalistes. Elles ont été filmées par les télévisions. Dès le soir des élections, dans la nuit du 20 octobre, le décompte des voix, dans de nombreux bureaux de votes (ceux tenus par des présidents de l'Alliance libérale) ne correspondait pas aux résultats transmis par télégramme ou fax au Conseil suprême électoral.

Dès le lundi, le Front dénonça de nombreuses irrégularités et demanda une révision des procès-verbaux, mais le soir même des élections on trouvait des bulletins de votes valides et des procès-verbaux dans les poubelles, à Managua en particulier. Rien qu'à Managua, 200 bureaux de votes n'ont pas été pris en compte. Dans d'autres cas, c'est le résultat envoyé par télégramme qui comptait. A Matagalpa, 30 000 bulletins de vote vierges ont été trouvés dans la demeure du président (libéral) du département. Dans certains bureaux de vote, alors que le nombre maximum de votants est de 400 par bureau, les résultats donnaient 600 voix pour les libéraux et une centaine pour les sandinistes. La fraude est patente, et je rappelle que ce risque a été une des raisons de la démission de Mariano Fiallos du CSE avant ces élections. Le nouveau CSE ne comptait aucun juge membre du FSLN, alors que d'autres partis étaient représentés. De même dans le personnel sélectionné pour tenir les bureaux de votes, 11 % étaient membres du FSLN et 40 % de l'Alliance libérale. Juste une anecdote pour montrer à quel point la fraude a pu exister. Elle concerne Moises Hassan qui a été membre du FSLN mais l'a quitté pour fonder son propre parti, le MAR, pour lequel il était candidat à l'Assemblée. Lui et toute sa famille votaient dans le même bureau. Lors de l'annonce du résultat, il n'y avait aucune voix pour lui. Il pouvait imaginer avoir été trahi par sa famille mais quand même pas par lui- même !

Les résultats officiels provisoires ont été annoncés trois semaines après le vote. Le FSLN ne les a pas reconnus. Que va-t-il se passer ?

M. Z. : Le Front, comme la loi le lui permet, a déposé un recours en annulation des élections à Managua et à Matagalpa le 11 novembre. D'autres partis ont fait de même. Le CSE doit faire connaître sa décision dans la semaine qui suit, mais il est fort probable que rien ne change et que les résultats soient officialisés comme tels. Daniel Ortega a fait un discours lors d'un rassemblement le jour même du résultat des élections afin de calmer la population. Les militants sont aigris et, pour beaucoup, on leur a volé le résultat. Pour l'instant aucune décision n'a été prise par la direction du Front sandiniste.

Propos recueillis par Michel Picquart


Volcans, numéro 24/numéro 9

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